Actualités - Fibroses pulmonaires
Résumé d'une conférence du Dr Simon Hart, exerçant au Castle Hill Hospital, à Cottingham, au Royaume -Uni, réalisée dans le cadre d'un webinar organisé par la Fédération européenne des associations de patients FPI (l'UE-IPFF) en mars 2022.
Qu’est ce que la Fibrose Pulmonaire ?
L’une des explications les plus anciennes de la Fibrose Pulmonaire remonte à l’année 1838 avec la description du Dr Corrigan (irlandais) qui la décrit comme la cirrhose du poumon. "La cirrhose est une condition qui décrit le foie très cicatrisé. On ne l’appelle plus comme cela désormais , mais c’est intéressant de savoir comment elle a été associée au début ", souligne le Dr Hart. Par la suite, le Dr Averill Liebow (1911-1978), un pathologiste américain, a décrit dans les années 1960, un poumon en forme de cire d’abeille, poumon rétréci, fibrosé et cicatrisé. On a gardé cette même terminologie.
Les éléments cliniques de la Fibrose Pulmonaire.
A. Les symptômes :
Un essoufflement progressif à l’effort, typique chez une personne de plus de 50 ans. Une toux sèche fréquente, souvent diagnostiquée comme de l’asthme (au départ)
B. Les signes:
Des craquements lors de l’auscultation des poumons au stéthoscope. Parfois un hippocratisme digital (bouts des doigts en forme de fond de bouteille).
Quelles sont les facteurs de risque de la Fibrose Pulmonaire?
A. Les causes Familiales
Dans de nombreux cas, c’est une combinaison de gènes et de l’environnement. "Il n’y a aucun doute que la génétique influence le risque de l’installation de la Fibrose Pulmonaire ", ajoute Simon Hart. " Si vous avez un membre de votre famille directe (au premier degré) (père, mère, frère ou soeur) qui a une fibrose pulmonaire, cela augmentera votre risque de l’avoir, aussi. Il n’y a pas de gène seul qui cause la fibrose pulmonaire, c’est un peu comme une maladie cardiaque, une pression artérielle élevée ou le diabète."
En fait, il y a plusieurs gènes qui y contribuent. Et si vous avez une histoire familiale avec ces mêmes conditions, vous êtes plus enclin à avoir ces mêmes problèmes, vous-même.
B. L’Environnement :
Tous les jours nous respirons et expirons des quantités considérables de litres d’air, parfois avec des substances nocives qui sont propices à la fibrose pulmonaire (fumée de tabac, amiante, poussières…)
"Ces substances ont agressé les poumons dans un passé lointain et peuvent d’une certaine façon, changer les conditions des poumons plus tard dans la vie du patient, surtout si le patient ne s‘est pas protégé avec des protections adéquates"
L’amiante est l’un des facteurs de risque de Fibrose pulmonaire.
D’autres éléments à risque sont la proximité avec les oiseaux ou la volaille ainsi que les moisissures, qui, lorsque ils sont inhalés peuvent avoir d’énormes réactions dans les poumons et ce qui peut parfois mener à la fibrose pulmonaire (oiseaux en cage, perroquets, perruches)
"On a constaté que lorsque l’on retire les oiseaux de l’environnement du patient, la respiration s’améliore."
C. Le reflux gastrique
Il est un autre élément de cause pour la fibrose pulmonaire. "Le reflux gastrique est une micro-aspiration du liquide gastrique, le contenu acide qui passe dans les poumons et qui ,à la longue, provoque une blessure ou une agression dans les cellules alvéolaires. A la longue et sur la durée, cela mène à la fibrose pulmonaire. Ce lien a été démontré plusieurs fois."
D. Causes diverses
Certaines personnes ont une maladie rhumatismale (des tissus conjonctifs), une maladie auto immune qui affecte les articulations Certains médicaments pris par des patients sur de longues périodes sont parfois associés à la fibrose pulmonaire (heureusement il y en a très peu). " Pour de nombreuses personnes c’est la combinaison de tous ces facteurs (âge, histoire familiale génétique…)"
"Si vous êtes un patient de la fibrose pulmonaire et n’avez aucun de ces éléments mentionnés ci-dessus, certains éléments sont silencieux et peuvent être présents même si on n’en a pas les symptômes".
Comment survient la fibrose pulmonaire ?
L’échange de gaz-air dans les alvéoles des poumons.
"L’air arrive dans les alvéoles, le sang est dans les capillaires et entre les deux, il y a un interstice et c’est entre les deux que se passe les échanges de gaz et d’air. C’est une maladie interstitielle, car elle apparaît entre les alvéoles et le sang dans les capillaires dans l’interstice (très très mince) qui les sépare ", explique encore le Dr Hart.
" Si on y regarde de plus près, normalement, il y a dans cet interstice des cellules appelées fibroblastes qui sécrètent des protéines structurelles (qui structurent les tissus). Normalement ces protéines sont élastiques.
Les poumons sont comme des ballons gonflables. Le poumon est élastique: il se gonfle avec l’air inhalé et se dégonfle par lui-même et ceci grâce aux tissus élastiques."
Qu’est ce qui ne fonctionne pas?
Dans le cas de la fibrose, les fibroblastes se mettent à proliférer: elles se divisent en 2 puis en 4 et en 8. Il y en a de plus en plus et elles continuent en même temps à sécréter des protéines structurelles (ces protéines sécrètent du collagène qui est la protéine que nos cellules produisent pour soigner les blessures comme un pansement de collagène sur une blessure).
"Mais contrairement aux tissus élastiques, ce collagène ne s’étend pas et reste rigide comme du ciment et cette substance interstitielle devient comme du ciment."
Certaines de ces fibroblastes se tournent vers les muscles et à la longue, la situation devient totalement saturée de fibroblastes-collagènes. Elles épaississent la paroi interstitielle.
"Ceci n’est pas bon pour les fonctions pulmonaires qui ont besoin d’élasticité pour gonfler et dégonfler. La partie entre l’air et le sang est trop chargée de collagène et les échanges gazeux ne peuvent pas se faire.
Voilà ce que l’on connaît des fibroses pulmonaires."
Comment démarre ce dysfonctionnement ?
"On a des hypothèses, c’est un défi que l’on cherche à résoudre."
L’un des enchaînements que l’on soupçonne se passe dans les cellules.
"L’une des fonctions des cellules est de protéger les poumons. Elles se renouvellent tout au long de la vie de chacun d’entre nous. Ce qui peut se produire c’est que ces cellules vieillissent de façon prématurée et
deviennent sénescentes, elles ne se divisent plus de façon normale. Elles grossissent, sont épuisées et meurent mais en disparaissant ou en mourant elles envoient des signaux aux fibroblastes, qui alors se mettent à proliférer."
"Ce qui est important c’est que si on peut empêcher ce processus de sénescence observé sur ces cellules, on pourra empêcher la prolifération de ces fibroblastes et on pourra alors trouver des médicaments qui empêcheront ce processus."
Quand on se blesse, il y a un processus de cicatrisation des cellules mais avec la fibrose pulmonaire le processus de cicatrisation sanguin empire. Quand il démarre, il s'aggrave !
A l’avenir, on aura de meilleures thérapies.
"Le problème de la fibrose pulmonaire est que la cicatrisation ne se fait pas, mais bien au contraire, le processus ne fait qu’empirer. Quand le phénomème de la fibrose démarre, il semble qu’il continue et empire de plus en plus. C’est un phénomène progressif."
"D’autres mécanismes s’y ajoutent. Le tissu cicatrisant agit. Car il y a des enzymes digestives que le corps produit en segmentant ce collagène cicatrisant qui agit comme du ciment."
"Mais la résolution de cette blessure ne semble pas se produire et l’une des raisons pour y faire face est l’envoi en continu des signaux des cellules qui tapissent les alvéoles aux fibroblastes. Une fois le processus commencé, il continue."
" Le processus de la fibrose pulmonaire est cette tendance à progresser et à empirer : ceci est un élément clé de sa compréhension. Toutes les différentes formes de fibroses que l’on connaît et qui ont été diagnostiquées sont par nature progressive."
La plus commune des fibroses est la fibrose pulmonaire idiopathique (FPI). C’est une maladie du système immunitaire (avec les défenses naturelles du corps) qui devient trop actif, causant la production de tissus fibreux et une cicatrisation progressive du tissu des poumons.
Un médicament anti-fibrosant (Ofev ou le Nintédanib) est administré la plupart du temps pour ralentir cette tendance à empirer. "Voilà où en est la recherche actuellement. La recherche est très active dans certains domaines, et on a l’espoir d’une thérapie à l’avenir."
Dernier point: l’essoufflement
Il est l’une des conséquences majeures de la fibrose pulmonaire, due à la réduction de la fonction pulmonaire, que l’on mesure avec le test du souffle ou la FVC (forced Vital Capacity).
" En effet, l’une des raisons de l’essoufflement pour les poumons c’est qu’ils deviennent plus rigides( avec la surproduction de la protéine de cicatrisation de collagène ) et la capacité pulmonaire se réduit car il y a perte de l’élasticité des tissus pulmonaires."
Le volume et la taille des poumons deviennent plus petits à mesure que la fibrose pulmonaire progresse : on peut le vérifier sur les radios des patients et avec le test de la FVC ( ou test du souffle). C’est aussi par le test du souffle (FVC) que l’on teste l’efficacité d’un traitement thérapeutique.
" Le test du souffle sert à vérifier la sévérité de la fibrose pulmonaire au début, puis à surveiller sa progression dans le temps, le test du souffle permet aussi de décider de la pertinence à administrer un anti-fibrosant, une thérapie ou un traitement et enfin à contrôler l’efficacité des nouveaux traitements cliniques ou thérapeutiques en ralentissant le déclin de la FVC. "
Pourquoi suis-je essoufflé ?
Le cerveau commande aux poumons d’inspirer, mais les poumons ne peuvent plus bouger aussi facilement qu’avant (ils ont moins d’élasticité). Les poumons ne se gonflent pas au niveau attendu. Les nerfs transmettent alors au cerveau l’information qui mesure la capacité d’extension.
" Pour le cerveau, cette perception du souffle court est importante, car c’est le cerveau qui dirige la respiration. Du cerveau il y a un nerf qui descend jusqu’aux muscles comme le diaphragme et ce muscle reproduit l’ordre donné par le cerveau d’où le schéma de la respiration avec l’inspiration et l’expiration."
"Il existe aussi d’autres signaux, transmis par des nerfs qui vont des poumons jusqu’au cerveau et qui mesurent la capacité d’extension des poumons. Comme les poumons ne peuvent pas se gonfler autant qu’avant en raison de la rigidité produite par le trop plein de collagène, le cerveau est désemparé et envoie ces signaux à
un centre plus élevé du cortex où cette information sera traitée et en conséquence cela donnera une sensation de souffle court." Car il y a une dissociation entre ce que le cerveau s’attend à avoir et ce qui se produit.
Pour la plupart des gens qui ont la perception de l’essoufflement, ceci est dû non au manque d’oxygène mais à ce problème de dissociation "neuro-mecanique". "C’est la raison pour laquelle on tente de ré-entraîner le cerveau sur la façon de percevoir ces signaux avec les exercices de la réhabilitation pulmonaire, ou comme le fait d’utiliser un ventilateur portable toute les fois qu’on est essoufflé ."
Le ventilateur souffle de l’air frais sur le visage (tenu à environ 12 cm). L’air frais entre par la bouche et le nez et envoie des signaux au cerveau qui interfèrent avec la perception de l’essoufflement d’une façon bénéfique. Cela a été prouvé scientifiquement.
[Résumé traduit par Aïcha Kawac, membre du bureau de l'AFPF)